Djazz - Digital Jazz | Mayotte 2016
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Mayotte 2016

Mayotte 2016

Mayotte-Madagascar mai 2016

Concerts de Bernard Lubat (piano, batterie, accordéon, sketches) avec Marc Chemillier (ordinateur) et Fabrice Vieira (trafics sonores) au Centre universitaire de Dembéni à Mayotte le 15 mai 2016 et à l’IFM de Tananarive à Madagascar le 20 mai 2016.

Ateliers avec des musiciens mahorais et malgaches.

Conférence de Bernard Lubat et Marc Chemillier au Centre universitaire de Dembéni à Mayotte le 12 mai 2016 (voir plus bas l’article d’Anne Perzo-Lafond dans le Journal de Mayotte).

Journée d’étude à Tananarive le 19 mai 2016 sur le thème « Jazz et improvisation(s) à Madagascar » organisée par l’IRD, l’AUF et l’Institut de Civilisation, Musée d’Art et d’Archéologie de Tananarive avec Philippe Bataille (AUF), Julien Mallet (IRD) et Claude Alain Randriamihaingo (FLSH Université d’Antananarivo) :

  • 9h30-11h00 Improvisation(s) à Madagascar
    (Discutant : Mireille Rakotomalala, Institut de Civilisation, Musée d’Art et d’Archéologie)
    Victor Randrianary (ethnomusicologue, Mayotte)
    Julien Mallet (IRD, URMIS, Univ. Paris 7 Diderot)
    D’Gary Ernest Randrianasolo
  • 11h00-12h00 Présentation par Marc Chemillier (EHESS, Paris) du logiciel ImproteK
    (Démonstration avec le musicien de marovany Velonjoro )
  • 14h-15h Première partie : Jazz à Madagascar
    (Discutant : Claude Alain Randriamihaingo, FLSH Univ. Antananarivo)
    Claude Alain Randriamihaingo (FLSH Univ. Antananarivo)
    Serge Henri Rodin (FLSH Univ. Antananarivo)
    Désiré Razafindrazaka (Festival Madajazzcar)
    Guillaume Samson (PRMA, La Réunion)
    Silo Andrianandraina
    Nicolas Vatomanga
  • 15h-16h Seconde partie : Y-a-t-il un jazz malgache ?
    (Discutant : Julien Mallet, IRD, URMIS, Univ. Paris 7 Diderot)
    Silo Andrianandraina
    Nicolas Vatomanga
    Guillaume Samson (Y-a-t-il un jazz Réunionnais ?)
    Serge Henri Rodin
    Désiré Razafindrazaka
    Julien Mallet
  • 16h30 Intervention de Marc Chemillier (EHESS, Paris) et Bernard Lubat sur le logiciel ImproteK

 

Article paru dans Le journal de Mayotte

Les rythmes du jazz s’affolent avec Bernard Lubat

par Anne Perzo-Lafond, Le Journal De Mayotte, publié le samedi 14 mai 2016 à 5:30

https://lejournaldemayotte.yt/2016/05/14/les-rythmes-du-jazz-saffolent-avec-bernard-lubat/

C’est un chercheur doublé d’un éternel insatisfait (est-ce lié ? Il y répondra plus tard !), qui présentait une conférence-concert (plus conférence que concert) ce jeudi soir au CUFR de Dembéni. Bernard Lubat, « un des plus grands batteurs de l’histoire du jazz », comme le présentera son comparse créateur Marc Chemillier, est donc à Mayotte. On ne pouvait pas le louper.

Bernard Lubat: « Le jazz a redémocratisé l’improvisation »

Avant de se produire en concert dimanche soir à Dembéni, cet ex-musicien de Nougaro a pris les devant, pour tenter d’expliquer ce qu’il est difficile de nommer, mais qui emmène son auditoire vers des sphères qu’il nous aimerait accessibles. Ce n’est pas de sa faute à lui, Bernard Lubat, si le rythme du jazz s’est affranchi de lui-même ces dernières années, « il s’est autocritiqué ». Baguette en main, on a de suite une démo : enregistré, puis diffusé, il juxtapose un autre morceau, comme s’il y avait deux musiciens, lorsqu’un autre son surgit, un violon, ou un saxo, venu de nulle part.

Il faut dire que cette musique discontinue, ils la produisent à deux, ou plutôt à trois, puisque l’ordinateur, « la machine », s’en mêle, et s’est emmêlée d’ailleurs, puisqu’il a fallu remettre trois fois le métier sur l’ouvrage dans l’auditorium du CUFR à Dembéni ce jeudi soir. Notre oreille peu habituée à cette absence d’homogénéité, est rassurée par les explications de l’artiste, féru de jeux de mots autant que de jeux de notes.

Jazz made by Lubat face au debah

L’électronique dans la boucle de la création

C’est surtout un philosophe. « Le jazz est une musique qui a redémocratisé l’ improvisation. Et l’improvisation, c’est se souvenir de ce qui n’est pas encore arrivé. Le jazz existe depuis un siècle, mais est en perpétuelle évolution. C’est un commencement qui n’en finit pas. »

La musique c’est pour lui un partage, une rencontre. Qui a ses limites. Polyrythmies mahoraises et jazz made by Lubat face à face, ce n’est pas gagné : « Nous avons eu un échange avec un groupe de chants de femmes mahoraises accompagnées de musiciens jeudi. Il y avait de l’intérêt motivé par nos différences, mais pour échanger, il faut y perdre un peu chacun, et pour ça, ne pas avoir une tradition fermée sur elle-même. » Il a donc improvisé, « les musiciens étaient décontenancés en face ». On les comprend.

Et pourtant, l’échange est faisable quelque soit la langue selon lui : « Au Brésil, j’ai commencé en utilisant un métalangage », lance-t-il avant d’émettre des borborygmes « Chigloungloungchawala » mélodieux, au rythme bien senti, « l’autre a fait pareil et on a abouti à un dialogue. Après, on peut tenter de définir la musique écrite, comme celle de Debussy, mais ce que j’aime, c’est la capacité de faire autre chose. »

Innover à tout prix ?

Bernard Lubat au Mélodica de notre enfance

Boulez à l’appui, les capacités de l’électronique sont mises en avant ce soir là, l’archétype de la musique contemporaine : « La musique peut faire danser, mais doit faire penser aussi. On doit se sentir interpellé, pas en sécurité. » C’est réussi lorsqu’on écoute ce que produit leur logiciel ImproteK, mis au point au CAMS et à l’IRCAM, « c’est un conglomérat de différences. Le rythme, au bout d’une certaine complexité, on ne sait plus où on va. On n’est pas capable ni technologiquement, ni psychologiquement de jouer ça »… Les auditeurs sont-ils rassurés ?

Son objectif, c’est le déséquilibre permanent, celui qui incite à se réinventer : « Picasso a dit, « le style, c’est la mort ». On est obligé d’imaginer pour ne pas rester serviteur du marché. » Une course sans fin vers l’avant, puisque le marché attrape vite les tendances.

Un spectateur s’interrogeait sur l’intérêt d’avoir recours à l’électronique, qui propose un instrument au hasard en se basant sur la hauteur des sons produits par le musicien, « on ne sent pas la pulsion personnelle ! », s’exclamait-il. Il avait droit comme réponse à une pirouette à la Lubat, « ça m’oblige à réfléchir, la musique est dur à l’oseille. »

On peut résumer Bernard Lubat par sa citation de Vilar : « Il faut avoir le courage et l’opiniâtreté de proposer au spectateur ce qu’il ne sait pas qu’il désire. » Quel qu’en soit le résultat, vous irez donc à la rencontre de vous-même dimanche soir, à 20h au CUFR pour un concert de l’Uzestois Bernard Lubat à Mayotte : « On y improvisera une relation, tant pis pour vous ! », comme une promesse.