Djazz - Digital Jazz | 40e Hestejada d’Uzeste 2017
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40e Hestejada d’Uzeste 2017

40e Hestejada d’Uzeste 2017

Festival d’Uzeste août 2017

Jazz augmenté avec Marc Chemillier (ordinateur), Charles Kely Zana-Rotsy (guitare, chant), Yves Chaudouët (batterie électronique, texte, clavier) et plein d’invités surprise : Vanina Michel, Meryl Marchetti, Sylvain Roux, Matthieu Chemillier, etc.

  • Mercredi 16 août 2017, vendredi 18 août 2017, samedi 19 aout 2017, 14h, atelier grange Chao
  • Jeudi 17 août 2017, 20h, apéro techno cabane CGT

Programme complet du festival : http://www.uzeste.org/wp-content/uploads/2017/07/Manifeste-40e-Web.pdf

Aristochats et machines (p. 26)

par Marc Chemillier

Les films de Walt Disney sont pleins de stéréotypes véhiculant parfois des sous-entendus racistes comme la scène de King Louie dans Le Livre de la jungle qui suggère un parallèle entre le Noir américain et le singe. Le film Les Aristochats sorti en 1971 n’échappe pas aux clichés, ni aux anachronismes en mélangeant le Paris des années 1910, l’esprit zazou des années 1940 et le psychédélisme des années 1960. Mais ce film a le mérite de mettre en avant le jazz à travers la figure emblématique du cat. Ce terme de « cat » est utilisé par les musiciens de jazz pour se désigner entre eux (Louis Armstrong le mentionne dans son autobiographie de 1936). Il évoque certaines qualités musicales du jazzman comme la souplesse, la distanciation par rapport au matériau joué (chat jouant avec la souris), l’agilité exprimée dans les paroles françaises de la chanson du film « Tout le monde veut devenir un cat parce qu’un chat, quand il est cat, retombe sur ses pattes ».

Mais le jazz est également associé aux machines : bruit du train évoquant le chabada du batteur, vertige du mouvement figuré par la progression inexorable de la walking bass, référence ferroviaire dans le titre des morceaux (Take The A Train). Pourtant la rigidité de la machine s’accomode mal de la souplesse du chat à moins d’imaginer une « machine féline » selon la jolie expression proposée par le philosophe Pierre Sauvanet lors d’un récent colloque consacré précisément à ce thème « Animal, jazz, machine ».

Le projet « Jazz augmenté » de la Compagnie Lubat est dédié à l’utilisation des machines dans la création artistique : logiciel d’improvisation Djazz (digitaljazz.fr), mais aussi toutes sortes d’artefacts informatiques, technologiques, robotiques. Historiquement, l’une des premières machines musicales est l’automate de Winkel en 1821, un orchestrion (machine à faire de la musique dont le son est produit par des tuyaux et des instruments de percussion) jouant une partition alimentée par deux cyclindres se translatant l’un par rapport à l’autre de sorte que cet instrument était capable d’« improviser » selon les choix imprévisibles d’un mécanisme d’horlogerie. La rigidification du temps opérée par ce mécanisme ou d’autres de la même famille (orgue de barbarie, boîte-à-musique, piano mécanique) est restée marginale dans l’histoire de la musique. Mais aujourd’hui le problème de la mécanisation du temps prend une ampleur sans précédent en s’imposant de façon massive à très grande échelle : DJ jouant de la musique techno devant des dizaines de milliers de personnes, utilisation envahissante du play back dans les concerts de super stars (Justin Bieber par exemple).

Le problème de la mécanisation du temps vient de ce qu’elle entraîne un appauvrissement de la relation entre musiciens et auditeurs. Dans le temps vécu des jazzmen, il y a du jeu, de l’élasticité, ce que Bernard Lubat appelle du « jus » en désignant ainsi la manière dont les jazzmen jouent avec le temps comme le chat avec la souris. Jouer du jazz, c’est partager du temps entre des individus, et la relation qui s’instaure dans ce partage donne sens à la musique. La musique est avant tout une affaire de relation entre celui qui joue et celui qui écoute ainsi qu’entre les musiciens eux-mêmes. Bernard Lubat parle de « technologies de la représentation » pour nommer les artefacts utilisés dans le spectacle vivant, non pas quelque gadget isolé manipulé par un artiste, mais tout l’attirail technologique qui s’interpose entre celui-ci et le public : sonorisation écrasante, gigantisme des concerts destiné à accroître la rentabilité des spectacles, écran pour montrer ce que la distance rend invisible sur scène, rythmes métronomiques pour synchroniser la masse des spectateurs. La technologie n’enrichit pas la relation entre les participants du concert, elle l’appauvrit, et c’est tout l’enjeu du projet « Jazz augmenté » de chercher une issue qui échappe à cette évolution implacable.